Poli Dominique & Leclère Adrien©www.albatorssx.com
Albator SSX

Galaxy Express 999 ou le voyage pour l'Immortalité

Avec Galaxy Express 999, œuvre majeure de Leiji Matsumoto, l'immortalité est devenue le nouveau Graal des êtres vivants. Elle se matérialise sous la forme d'une mécanisation totale des individus qui cherchent ainsi à échapper aux maladies et aux besoins quotidiens de leur misérable existence.
Cette mécanisation tant recherchée par la population, qui vit pour sa grande majorité dans la pauvreté et la honte, ne se mérite qu'après une dure vie de labeur (pour ceux qui y parviennent), mais elle permet de répondre aux agressions du temps, éliminant de manière radicale les souffrances liées aux maladies et au vieillissement, enrayant significativement le cycle de la vie, la mort n'étant plus dorénavant un événement inéluctable.
Cependant, nombre d'individus paient cher leur immortalité, à l'instar de Shadow, gardienne du cimetière de glace de Pluton. Elle incarne dans ce long métrage l'exemple type de l'être mécanique qui doute du choix qu'il a effectué… Et quel choix ! La vie éternelle associée à la froideur d'un corps mécanique ou une vie fragile et éphémère associée à la chaleur d'un corps mortel, mais bien vivant. Le personnage de Shadow, dont émane une tristesse et une douleur incommensurable, exprime le cruel dilemme auxquels doivent faire face la plupart des êtres qui choisissent de se défaire de leur enveloppe charnel.
Dans Galaxy Express 999, Matsumoto nous dépeint un univers désenchanté, dominé par la loi du plus fort, où une minorité aisée demeure dans l'opulence et l'oisiveté. La marche vers l'éternité et la prédominance des androïdes, favorisées par l'utilisation abusive de la science sans limite et sans conscience, ont contribué à la déshumanisation de ce monde.
En cherchant à accéder à la vie éternelle, le jeune Tetsurô Hoshino ne risque t-il pas de renoncer définitivement à son humanité ? Le sens de la vie ne réside t-il pas dans son caractère éphémère ? L'immortalité n'exclut-elle pas la responsabilité des actes de chacun ? Autant de questions existentielles que Matsumoto nous invite à nous poser, Galaxy Express 999 nous présentant par allégorie une véritable critique de notre société sur des thèmes tels que l'individualisme ou la perte des valeurs morales. Au delà du thème de l'immortalité, Leiji Matsumoto a su cristalliser avec une grande habilité les peurs de son temps.
Le voyage initiatique du jeune Tetsurô l'amènera à comprendre que le rêve de millions d'êtres humains est une abomination. Souffrir, aimer ; les plaisirs de la vie ne prennent toute leur dimension que dans le caractère fragile et éphémère que revêt l'existence de chaque être.

Le Chemin de la Maturité

C'est accompagné de la mystérieuse Maetel et aidé dans sa quête par les charismatiques pirates de l'espace Captain Harlock et Emeraldas (mais aussi une multitude d'autres personnages), que Tetsurô prendra conscience de cet état de fait. Dès lors, il n'est plus l'enfant naïf qu'il était au commencement de sa périlleuse aventure.
L'histoire de vengeance sur laquelle se base la trame du film ne sert en fait que de moteur à l'évolution du personnage de Tetsurô Hoshino. Galaxy Expresss 999 est, parallèlement au voyage vers l'immortalité, un voyage vers la maturité, chaque étape sur les différentes planètes représentant une expérience de la vie dont le jeune garçon tire profit, une leçon de morale qui marquera définitivement sa façon de raisonner et de se comporter.
Tetsurô va donc apprendre à devenir un homme grâce au train de l'espace. Cette métaphore de la vie, qui consiste alors en une succession d'expériences qui fait de nous l'être que nous sommes, est sûrement le sentiment principal que cherche à faire passer l'œuvre, le tout saupoudré de cette nostalgie (caractérisée dans le film par la mélancolie de Maetel) que l'on a lorsqu'un événement qui va changer notre vie survient et que l'on repense à tout ce qui a été vécu jusque là.
Les personnages que Tetsurô croise tout au long de son parcours enrichissent d'ailleurs ses réflexions et finiront par lui permettre d'atteindre une autonomie de raisonnement qu'il n'avait pas jusque là. Ainsi Harlock et Antares sont les opposés de Tetsurô ; ils ont longuement voyagé et acquis de l'expérience, ils symbolisent la sagesse.
Harlock pourrait être en quelque sorte perçu comme le "relais" de Tetsurô. Ce dernier sort de l'enfance, voit sa jeunesse disparaître, devenir un souvenir au grés de ses rencontres, et s'apprête à entamer sa nouvelle vie d'adulte, alors qu'Harlock a vu cette même jeunesse prendre brusquement fin avec la mort de Maya (Arcadia of my Youth), qui la représentait symboliquement. Harlock vivra de nombreuses aventures mais le personnage de Maya, lui, ne réapparaîtra plus, comme si Leiji Matsumoto voulait juste nous montrer comment Harlock est devenu l'homme que nous connaissons. Ainsi, par les personnages qu'il nous présente dans son univers, Leiji Matsumoto brosse le portrait de sa vision type de la vie de l'être humain.

La mécanisation :

La mécanisation est un thème qui est toujours d'actualité. Il est toujours question de remplacer telle ou telle partie de notre corps par une autre artificielle. On commence déjà à tester des implants qui auront utilité dans nos diverses taches quotidiennes, ce qui commence à soulever nombre de question chez les gens. Pourtant, Leiji Matsumoto se pose déjà se genre de question dans ses manga il y a plusieurs dizaines d'années, et galaxy express est sûrement l'œuvre où l'on peut le plus ressentir les craintes que ce phénomène peut engendrer. Améliorer l'homme, oui, mais jusqu'à quel point ? D'autres œuvres traitent de ce sujet : On peut citer, pour rester dans le contemporain, ghost in the shell de Mamoru Oshii, Gunnm de Yukito Kishiro, deux œuvres cultes de l'univers Cyberpunk, ou encore Cyborg 009 de Shôtaro Ishinomori, qui abordent l'histoire d'humains dont leur corps est de moins en moins organique. Dans ce cas, c'est l'homme qui se rapproche du robot, et non plus le robot qui s'humanise, comme dans Tetsuwan Atom de Tezuka, ou Diver zero, de leiji matsumoto (qui raconte l'histoire d'un robot ayant des sentiments humains).

La mécanisation est à rapprocher du thème de l'immortalité. En effet, outre le désir d'améliorer les capacités de l'humain, la mécanisation aurait aussi cette faculté de prolonger la vie à souhait, pour atteindre, ou tout du moins frôler l'immortalité. C'est cette peur de l'homme envers la mort qui pousse surtout ces dernier à se mécaniser dans galaxy express. Ainsi, nous assistons à tous les effets de la mécanisation grâce à une succession de personnages qui sont tous confronté aux interrogations que pose la mécanisation. On pourra retenir parmi ceux-là : _ Shadow, qui ne sait plus quel choix faire entre retrouver son corps mortel plein de vie ou conserver son corps mécanisé glacé mais éternel
_ Luz, qui a la mélancolie de son ancien corps, et mécanisée pour l'amour du comte
_ Antares, opposant farouche à la mécanisation
_ Claire, mécanisée contre son grés, et voulant retrouver son corps d'origine Chacune de ces rencontres aidera tetsuro à faire son choix entre mécanisation ou conservation de son corps, et l'on peut supposer que le choix qu'il fera serait aussi celui de matsumoto, donnant ainsi par la même occasion la réponse de l'auteur à ceux qui se penchent sur son travail. Mais la réponse à l'immortalité, elle, ne sera donné que dans la conclusion du second film par Harlock. On peut observer 3 facettes, 3 aspects de la mécanisation dans l'œuvre de Leiji Matsumoto :
_ Galaxy express nous présente le choix à se mécaniser ou non. On s'identifiera à tetsuro, qui ne voit que les avantages qu'a cette transformation, et on sera confronté à la réalité au fur et à mesure des rencontres.
_ CW0 nous présente la cohabitation entre humains et êtres mécanisés. Les mentalités qu'entraîne la mécanisation la rend en effet très difficile

La relation entre Maetel et Tetsurô : le prolongement du voyage initiatique

La relation entre Maetel et Tetsurô n'est pas des plus anodines. La destinée de Tetsurô, en quête d'un billet pour le Galaxy Express 999, sésame qui lui permettra d'accéder à son rêve d'immortalité mécanique, sera de croiser la route de cette jeune fille mystérieuse qu'est Maetel, et contre toute attente, elle lui offrira la possibilité de réaliser son souhait le plus cher. Le prix à payer pour voir ce rêve se concrétiser ? Accorder à l'énigmatique passagère la permission de pouvoir le seconder pendant ce long périple au cours duquel elle lui fera profiter de son statut de voyageuse et des leçons qu'elle en a tiré, devenant ainsi en quelque sorte son mentor.
Tetsurô Hoshino mûrit au fur et à mesure des épreuves qu'il traverse, et devient son égal, voir même la surpasse sur le plan de l'expérience, celui-ci n'étant pas soumis à la même tristesse, aux mêmes peurs, aux mêmes doutes et remords que Maetel. Dès lors, nos deux héros ne sont plus limités par la différence d'expérience. Ce ne sont plus que deux êtres faisant le même voyage, et leur relation, cantonnée à celle du maître et de l'élève dans la série télévisée, notamment en raison de la différence d'âge entre les deux personnages, deviendra plus intime. Si la série affublait Tetsurô d'un physique ingrat de nain mal formé, le film lui offre une belle apparence d'adolescent, rendant plus plausible ce changement dans la relation qui le lie à Maetel.
Dans la saga que représente l'univers de Galaxy Express 999, l'éternelle voyageuse endossera de ce fait plusieurs rôles durant ses périlleux voyages : elle sera successivement la mère, la confidente et l'amante du jeune Tetsurô. Le baiser qu'elle lui donnera dans le premier film avant d'embarquer à nouveau à bord de l'express de l'espace est révélateur de la maturité qu'il a acquis à ses côtés au fil de son tumultueux parcours. L'ensemble des évènements auxquels Tetsurô aura été confronté auront fait de lui un homme dont le nouveau défi à relever sera de vivre en être humain libre sur sa planète.

A travers cette œuvre, Leiji Matsumoto nous offre finalement une grande leçon d'humilité et de vie avec pour toile de fond un sujet vieux comme le monde, l'utopique rêve de l'immortalité.